Philippe Collard



Le projet Interludes de l’écrivain Philippe Collard propose de suivre en direct l’écriture d’un roman sur une période de 60 jours. L’idée consiste à voir comment le récit et l’écriture peuvent devenir des vases communicants, puisque l’expérience vécue d’écriture en isolement se déroulera en simultané avec la mise en place d’un récit d’expérience d’isolement.

Pendant toute la durée du projet, des enregistrements vidéos des séances d’écritures sont réalisés chaque jour pendant trois heures, affichant à la fois le visage de l’écrivain et le document Google Doc en cours d’écriture.



Jour 1



Interlude ou Le pouvoir de l’incertitude à l’ère de la pensée magique



«Ma méthode à moi, écrire tout ce qui sort, tout croche, plein de fautes. Ensuite, de le retravailler, le retravailler, le récrire, l’éditer, le récrire, des dizaines, des centaines des fois les mêmes pages.»




Jour 2



Entretien avec Daniel Fiset (Fondation PHI pour l’art contemporain)

01:34:02.426,01:34:05.426
Daniel Fiset: Allo Philippe!

01:34:14.265,01:34:17.265
Philippe Collard: Hola!

01:34:22.240,01:34:25.240
Daniel Fiset: Comment se passe l'écriture?

01:34:51.893,01:34:54.893 Philippe Collard: Mieux qu'hier. J'ai eu encore quelques ajustements techniques à faire aujourd'hui.

01:35:00.417,01:35:03.417 Philippe Collard: Mais je pense que c'est bon maintenant.

01:35:11.294,01:35:14.294
Daniel Fiset: Ça sort super bien sur l'écran

01:35:19.263,01:35:22.263
Daniel Fiset: Le visuel me fait penser à Grosse Fatigue de Camille Henrot.







Jour 3





«Hier, je suis passé au début du chapitre 2. Je sens que la progression est quand même assez bonne. Je n’avais pas à revenir trop en arrière pour me remettre dedans. C’est toujours bon signe pour moi quand je peux rembarquer dans le texte comme si je venais de le laisser.»




Jour 4





Extrait tiré du roman Interlude ou Le pouvoir de l’incertitude à l’ère de la pensée magique

Better to live one day as a lion than 100 years as a sheep.





Jour 5





«Est-ce que la situation actuelle, où je me trouve comme tout le monde en confinement à la maison, alimente l’écriture d’un récit qui traite de l’isolement volontaire pour d’autres raisons qui n’ont rien à voir avec la santé?»




Jour 6





Extrait tiré du roman Interlude ou Le pouvoir de l’incertitude à l’ère de la pensée magique

Pas la moindre caresse, ni le moindre bisou. Pas même une goutte de chaleur humaine.




Jour 7





«Cette fois-ci, j’ai utilisé la méthode de sandwich, en faisant d’abord le milieu et après j’ai travaillé la fin. J’arrive au milieu du sandwich. C’est plus difficile.»
[...]
«Ma copine va devoir s’isoler de moi pendant 14 jours et s’isoler du reste de la famille. Notre confinement devient vraiment un réel isolement. Pour nous protéger d’elle et pour qu’elle puisse guérir le plus rapidement possible...»




Jour 8





«C’est la première fois où j’ai le feeling que l’isolement présent affecte la façon dont j’écris le roman... Est ce que ma situation présente va affecter celle du personnage? Est-ce que je vais être capable d’injecter du présent dans le passé pour faire de la fiction? Je pense qu’aujourd’hui ça s’est passé...»




Jour 9





«Ma blonde et mes deux filles se sont connectées aujourd’hui pendant que j’écrivais, les gens les plus proches de moi dans la vie, mais qui en ce moment sont très loin d’une certaine façon. Ma blonde a attrapé la Covid-19 et est en quarantaine dans le sous-sol. On peut juste se voir par caméra depuis plusieurs jours et mes filles ne peuvent plus venir à l’appartement du fait que ma blonde est affectée du coronavirus… Ça adonnait que le chapitre que j’écrivais faisait allusion à l’adolescence du personnage, l’âge de mes filles…»




Jour 10



1. La vie sans Ève
Musique: Sunrise par Norah Jones
Jusqu’à l’âge de 44 ans, j’ai passé la plus grande part de mon temps à précipiter ma vie en passant d’un projet à un autre, d’un lieu à un autre, d’un événement à un autre et d’un emploi à un autre. Aujourd’hui, j’essaie de rester attentif à ce qui se passe quand il ne se passe rien, quand il n’y a nulle part où aller, quand il n’y a rien à faire. Il me semble de plus en plus clair que la plupart des grands moments de nos vies se produisent dans ces espaces intermédiaires.

Extrait datant du 30 novembre 2018, tiré de Interlude ou Le pouvoir de l’incertitude à l’ère de la pensée magique







Jour 11





«On commençait à parler du peut-être le besoin qu’elle aurait à se rendre à l’hôpital*. J’étais très inquiet et je trouve ça dur pour elle […] C’est la seule personne hier qui s’est connectée à la séance d’écriture […] C’est un peu comme si on avait passé la soirée ensemble, comme si on était assis un à côté de l’autre […]»

*La copine de Philippe Collard est atteinte du Covid-19 au moment où il a commenté ces lignes.




Jour 12





«J’étais fatigué ce soir, hier j’ai écris presque cinq heures […]. Par contre, j’ai continué de travailler le milieu du roman, ma technique du sandwich semble porter ses fruits.»




Jour 13





«Qu’est-ce que ça vient injecter dans l'écriture, d’avoir des gens qui observent, qui peuvent interagir, commenter à n’importe quel moment et rendre leur caméra visible pendant que j’écris?»




Jour 14



1. La vie sans Ève

Nous ne sommes jamais au début d’un événement. Nous sommes toujours situé quelque part au milieu d’une série d’événements, chacun étant une escale dans un voyage sans fin. Je ne peux pas expliquer, ni situer dans l’espace ou dans le temps, les décisions importantes que j’ai prises dans ma vie. Les grandes décisions ont tendance à se prendre d’elles-mêmes.


Extrait datant du 20 janvier 2019, tiré de Interlude ou Le pouvoir de l’incertitude à l’ère de la pensée magique







Jour 15





«[…] Ma tête était plongée dans les souvenirs, mais j’écrivais au présent. Les mots que j’ai choisis pour parler d’elle ce sont les mots qui me sont passés par la tête là, sur le coup […]»





Jour 16



Plus récemment, à l’aube de la cinquantaine, j’ai découvert avec Luna que l’amour peut aussi se vivre comme un enracinement, avec un ferment de relation qui se fixe profondément dans le coeur, pour y germer, avant d’en émerger et de croître comme un arbre à deux troncs entrelacés.
Extrait du Prologue datant du 19 avril 2020, tiré de Interlude ou Le pouvoir de l’incertitude à l’ère de la pensée magique








Jour 17





«Je prends beaucoup de notes quand je lis, constamment, quand je lis, qui évoque quelque chose chez moi […], pis à un certain moment donné je passe à travers ces notes pour voir premièrement si elles sont encore pertinentes et si elles trouvent leur place dans le récit que je choisis de raconter.»





Jour 18





«Pour la première fois, je pense que je ressens une certaine fatigue. Pas juste dans l’écriture, mais en général. Je pense que c’est le cas de beaucoup de monde qui se sont habitués à l’idée du confinement. Autant c’est devenu notre quotidien, autant il y a comme une genre de fatigue mentale qui prend place.»





Jour 19



1. La vie sans Ève

Tout compte fait, je passe sûrement plus de temps à choisir un film sur Netflix qu’à me demander si je dois changer d’emploi. J’ai déjà passé des mois à considérer l’achat d’une nouvelle voiture en effectuant plusieurs dizaines d’heures de recherche sur Internet tandis que certaines délibérations qui auraient pu mener à une nouvelle relation amoureuse, une décision qui pourrait changer sa vie, se sont souvent limitées à quelques balayages de photos vers la gauche ou vers la droite sur une application de rencontres.

Extrait du Prologue datant du 6 octobre 2019, tiré de Interlude ou Le pouvoir de l’incertitude à l’ère de la pensée magique







Jour 20





«Comment je dirais ça… Quand j’écris il y a comme deux mouvements, comme une inspiration qui fait que les choses rentrent plus par en dedans, et une expiration qui fait que ça prend de l’expansion. Comme un mouvement de respiration. Le texte se comprime parce que j’enlève tout ce qu’il y a de trop et ensuite il reprend de l’expansion, parce que je rajoute de nouvelles affaires.»





Jour 21





«J’aime pas quand un écrivain met un long préambule.»





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Biographie de l’artiste
Passionné par les médias, les balados et l’écriture, Philippe Collard est actuellement rédacteur chez Lemay, firme de design et d’architecture. Auteur de quelques nouvelles et du roman Bleu comme la lune, paru chez Leméac en 2012, il a occupé différents rôles stratégiques et tactiques dans le domaine des médias et du web.